Relier l’Europe à l’Afrique sous la mer n’est plus un fantasme d’ingénieurs. Le tunnel Maroc–Espagne vient de franchir une étape majeure : une étude de faisabilité, commandée par Rabat et Madrid et menée par la société allemande Herrenknecht, confirme que le projet est techniquement réalisable. Après des décennies de discussions, le rêve d’un passage sous le détroit de Gibraltar se rapproche du concret.

L’infrastructure, estimée à 8,5 milliards d’euros, s’étendrait sur près de quarante kilomètres entre Vejer de la Frontera, en Andalousie, et la côte marocaine. Le chantier devrait s’étaler sur une dizaine d’années, avec un tunnel exploratoire prévu avant 2027, première étape avant l’ouvrage définitif. Les promoteurs visent un lancement symbolique des travaux autour de 2030, année de la Coupe du monde organisée conjointement par le Maroc, l’Espagne et le Portugal.

Le rapport de faisabilité met fin aux doutes techniques qui freinaient le projet, malgré les défis géologiques du détroit, notamment la zone instable de la crête de Camarinal. Les deux pays ont multiplié les échanges techniques, notamment avec la Norvège, où est en cours la construction du tunnel sous-marin le plus profond du monde.

Ce chantier colossal, soutenu par des fonds européens, ambitionne bien plus qu’une prouesse d’ingénierie. Il s’agit d’un projet géostratégique destiné à relier durablement les deux continents, en facilitant les échanges commerciaux et humains tout en ouvrant la voie à l’interconnexion énergétique et numérique via la fibre optique.

L’idée d’un tunnel sous le détroit de Gibraltar remonte au XIXe siècle. Elle a été ravivée en 1979 par un accord entre Rabat et Madrid, puis plusieurs fois remise à plus tard. Cette fois, la validation technique et la convergence politique entre les deux pays donnent au projet une dimension inédite. S’il se concrétise, il deviendra le premier passage souterrain intercontinental de l’histoire moderne — un symbole fort du rapprochement euro-africain.