Mustapha Bakbou n’est plus. Le maître gnaoui s’est éteint ce lundi, à l’âge de 72 ans, laissant derrière lui une empreinte profonde dans l’histoire musicale marocaine. La nouvelle, annoncée par Neila Tazi sur Instagram, a provoqué une onde d’émotion au sein de la confrérie gnaouie et bien au-delà. La fondatrice du Festival Gnaoua et musiques du monde s’est dite bouleversée par la disparition d’un « grand Maâlem », saluant une perte immense pour la scène artistique nationale.
Né en 1953 à Marrakech, Bakbou avait grandi au cœur des traditions. Enfant d’une famille gnaouie, il avait été initié très tôt aux rituels dans une zaouïa de la médina. Le guembri, les chants spirituels et la ferveur des lilas ont façonné son identité d’artiste. Son jeu puissant, sa voix grave et son charisme ont vite imposé sa marque dans une lignée exigeante, où la transmission se fait autant par l’âme que par le son.
À la scène comme dans les cérémonies, il portait la Tagnaouite avec une intensité rare. Il savait en préserver les fondements tout en l’ouvrant à d’autres univers. À Essaouira, lors du Festival Gnaoua, ses rencontres musicales avec des figures du jazz américain ou des groupes comme Tinariwen avaient marqué les esprits. Jamais il ne déviait de l’esprit originel, même lorsqu’il explorait d’autres horizons.
Dans les années 1970, il avait rejoint le groupe Jil Jilala, participant au renouveau musical du Maroc post-indépendance. Puis en 1996, il cosignait l’album Aïcha avec le bassiste danois Peter Danstrup, preuve que sa quête artistique n’avait pas de frontières, tant qu’elle restait fidèle à l’essence du rituel.
Mustapha Bakbou appartenait à cette génération de grands maâlems qui ont su faire rayonner la Gnaoua sans jamais l’édulcorer. Son nom rejoint aujourd’hui ceux de Mahmoud Guinea ou Abdelkebir Merchane, gardiens d’un patrimoine oral et spirituel que les jeunes disciples continuent de faire vivre.