Les violences en ligne à l’encontre des femmes prennent une ampleur inquiétante au Maroc. Selon ONU Femmes, 58,1 % des Marocaines déclarent avoir été victimes de cyberharcèlement, de diffusion d’images intimes, de doxing ou encore de deepfakes. Pour briser le silence et interpeller les pouvoirs publics, trois associations lancent une campagne nationale baptisée « Mamhkoumch », du 2 au 10 octobre.
Portée par Kif Mama Kif Baba, Médias et Cultures et l’Association démocratique des femmes du Maroc, l’initiative entend sensibiliser, mobiliser et plaider en faveur d’un cadre juridique adapté. « L’espace numérique ne doit pas être une zone de non-droit. Chaque victime doit pouvoir dénoncer sans craindre de devenir elle-même justiciable », alerte Ghizlane Mamouni, présidente de Kif Mama Kif Baba.
Le phénomène ne cesse de croître avec l’essor des réseaux sociaux. Le Haut-Commissariat au Plan estime que 1,5 million de Marocaines ont déjà subi une forme de violence numérique, soit 14 % des femmes du pays. Les conséquences dépassent le virtuel : anxiété, isolement, perte d’estime de soi, interruption de carrière et parfois passage à l’acte suicidaire. Une victime sur trois voit même ces violences se prolonger dans la vie réelle.
Les témoignages recueillis illustrent l’urgence d’agir. L’une raconte être traquée par un inconnu créant sans cesse de faux comptes pour l’insulter et la menacer. Une autre explique avoir vu une photo intime diffusée sans son consentement, redoutant de porter plainte de peur des répercussions. Selon les données officielles, entre 68 % et 77 % des victimes ne saisissent pas la justice, faute d’information ou de confiance dans les mécanismes existants.
Pour Aatifa Timjerdine, présidente de l’ADFM, « la violence numérique est une violation des droits humains qui détruit des vies en silence. La lutte nécessite une réforme législative, une meilleure coordination institutionnelle et une adaptation continue face à l’évolution des technologies ».
Avec « Mamhkoumch », les associations espèrent mobiliser la société et les institutions autour d’une même urgence : protéger les femmes et mettre fin à l’impunité dans l’espace numérique.