Le Conseil national des droits de l’Homme a donné mercredi le coup d’envoi, à Rabat, d’une campagne nationale consacrée à la lutte contre la violence numérique visant les femmes et les filles. L’initiative, portée par le slogan Ne nous taisons pas face à la violence, s’inscrit dans une mobilisation plus large menée dans le cadre de la campagne internationale Tous unis pour mettre fin à la violence numérique à l’égard des femmes et des filles.
Pour accompagner ce lancement, le CNDH a réuni chercheurs, responsables et acteurs de terrain autour d’une conférence dédiée à la violence facilitée par la technologie, un phénomène qualifié de pandémie silencieuse en raison de son ampleur et de la difficulté à en mesurer les effets. Cette rencontre avait pour objectif de renforcer la protection des femmes dans l’espace numérique, de mettre en lumière les usages détournés de la technologie qui portent atteinte à leurs droits et de stimuler les initiatives de prévention.
La présidente du CNDH, Amina Bouayach, a rappelé que les contenus diffusés en ligne peuvent constituer l’une des violations les plus graves des droits humains, en raison de la rapidité de circulation des informations et de l’absence de frontières dans l’univers numérique. Elle a expliqué que ces violences atteignent directement la dignité des victimes et pèsent sur leur intégrité physique comme psychique, leurs effets débordant largement la sphère virtuelle pour envahir leur quotidien.
Elle a évoqué l’émergence de nouveaux schémas d’exclusion et de discrimination dans un espace numérique devenu un terrain propice au harcèlement, au chantage, au cyberharcèlement ou encore à la diffusion d’images et de données personnelles sans consentement. La campagne qui se déroulera jusqu’au 10 décembre s’appuiera sur une caravane qui traversera douze régions, ainsi qu’un espace interactif destiné à sensibiliser le public aux risques liés au numérique.
Le Haut-commissaire au Plan, Chakib Benmoussa, a rappelé que l’essor des réseaux sociaux accentue la propagation des violences en ligne, notamment parmi les jeunes et les femmes les plus vulnérables. Selon les données qu’il a présentées, les femmes célibataires, les étudiantes et celles disposant d’un niveau d’instruction élevé sont les plus exposées à la diffamation, au chantage ou aux agressions verbales en ligne. Il a souligné que les violences faites aux femmes ont reculé entre 2009 et 2019, surtout en milieu urbain, tout en rappelant la nécessité de comprendre les facteurs qui influencent cette évolution. Le Haut Commissariat au Plan poursuivra son travail d’analyse afin de produire des données précises et détaillées par genre.
La représentante d’ONU Femmes au Maroc, Myriem Ouchen Noussairi, a insisté sur la nécessité d’une réponse globale combinant information, protection et évolution du cadre juridique. Elle a expliqué que l’espace numérique, conçu pour l’échange et le lien social, devient trop souvent un lieu de harcèlement, de chantage ou de discours haineux.
La Commissaire Marie Louise Abomo, qui préside le Groupe de travail sur les Droits des Personnes âgées et des Personnes handicapées, a rappelé que les femmes âgées ou en situation de handicap subissent une exposition particulière aux violences numériques. Leur double vulnérabilité les place souvent en marge des espaces d’expression et de décision, parfois même au sein de leur propre environnement social.
Dans une intervention préenregistrée, la présidente du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, Nahla Haidar, a expliqué que les lois actuelles ne couvrent pas encore la plupart des atteintes commises en ligne, créant un sentiment d’insécurité chez de nombreuses femmes et freinant leur participation à la vie numérique. Elle a appelé les États et les acteurs privés à intensifier leurs efforts pour mettre en place des cadres juridiques adaptés.
La rencontre a été ponctuée par une projection en mapping sur la façade du siège du CNDH, offrant une mise en scène visuelle destinée à porter plus largement le message de la campagne. Une galerie installée à Mahaj Ryad a également été inaugurée pour sensibiliser le public aux risques numériques et aux moyens de s’en protéger.
